On lit dans un vieux livre une incroyable histoire ;
Je vais vous la conter. – C’était au Purgatoire.
Pitié ! Que de tourments ! Dans des mares de feu
Se tordaient, éperdus, les fils d’un même Dieu.
Seigneur, disait l’ un d’eux, je ne puis m’en défendre,
Bien souvent j’ai péché; daignerez-vous m’entendre ?
Si de renaître un jour, je goûte le bonheur,
Sur la terre, ô mon Dieu, je deviendrai meilleur.
Je veux me racheter à forcé de vaillance.
Tout à coup, pourquoi ce silence ?
Sous ses cornes, armé de sa fourche de fer,
Au milieu de sa cour, de ses premiers ministres,
Eclipsant les beautés sinistres,
Sur son trône de flamme, apparut Lucifer.
Un valet, selon la coutume,
Attisa, des fourneaux le soufre et le bitume,
Gourmanda, saisit les reclus,
Et tenailla, broya les corps qu’ils n’avaient plus.
Bientôt, adoucissant l’éclat de sa prunelle,
J’apporte, dit le Prince, une grande nouvelle :
Condamnés, pourquoi tant d’effroi ?
Je viens pour vous parler ; de grâce, écoutez-moi :
On m’a remis, pour vous, des paquets d’indulgences ;
Le fait est vrai… sur terre, on songe à ses finances;
Sans doute du Trésor le cas était urgent ;
Bref, ils vendent le ciel pour quelque peu d’argent.
Un mort libre-penseur, fidèle à sa manie,
Protesta, s’écriant : C’est de la simonie !
Juste Dieu, quel trafic on va faire en ton nom !
Je suis de son avis, murmura le démon ;
Et sur ce tas de boue, on se dit infaillible
Infaillible ! Pauvres humains !
Et donnant à sa lèvre un sourire indicible, Lucifer se frottait les mains.
Puis, élevant la voix : Astaroth ! Sur ton âme,
Tu me réponds de tout ; ailleurs on me réclame.
Quant à ceux pour lesquels personne n’a payé,
Des convois pour le ciel, leur nom sera rayé. »
On dit qu’un mois durant, seul maître de la chaîne
Astaroth y riva bien des âmes en peine.
Et puis… des rachetés la troupe s’envola.
Le diable, qui pour moi professe quelque estime,
Me répond du fond de l’abîme :
Cher ami, ne crois pas cela.


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