Par quels engins merveilleux l’âme
Agit-elle sur le cerveau,
Et maintient-elle en leur niveau
L’amour sacré, la haine infâme,
La mathématique raison,
La vérité, l’erreur confuse,
La nuit, la lumière diffuse,
L’étroit où le vaste horizon ?
Quel beau clavier de touches molles
Où la pensée et l’action,
Où les gestes et les paroles
Sont toujours en formation !
Réflecteur ou miroir magique
Qui réfléchis un univers,
Qui fais cent problèmes divers
Dans leur meilleure arithmétique,
Des aveugles prétendent voir
Le néant dans ton grand mystère,
Prenant leur bêtise sincère
Pour le plus colossal savoir !
Un futile produit chimique,
Se combinant, s’amalgamant,
Me ferait ou sublime amant,
Ou compositeur de musique,
Ou peintre, ou poète, ou maçon,
Idiot, homme de génie,
Muet, comme l’est un poisson,
Bavard, comme l’est une pie ?
Et ce phosphore créateur,
Au sein des cases symétriques,
Formerait les pensers lubriques
Et les sentiments de pudeur…
Suivant son caprice bizarre,
Je serais bon, doux, généreux,
Ivrogne, usurier, avare,
Patient, colère, amoureux !!
˗ « Non ! Nous n’avons point trouvé d’âme
Durant le cours de nos travaux :
Une phosphorescente flamme,
Seule, fait vivre les cerveaux. »
˗ Qu’est le génie ? ˗ « Une névrose
Dont sont affectés bien souvent
Les rêveurs à tête morose
Et les cervelles à l’évent… »
˗ Qu’est l’amour ? ˗ « Une maladie
Du jeune et de l’âge mur… »
Le sentiment ? ˗ « Une anémie
Qui paralyse le fémur… »
˗ Dévouement, honneur, foi, courage ?
˗ « Forces du sang… Effets nerveux… »
˗ La philosophie ? ˗ « … Effet d’âge…
Parfois effet de cerveaux creux… »
La matière, seule, est capable…
Si je vous donne un traître coup,
Ne vous plaignez donc pas beaucoup :
La matière est seule coupable ! Voulez-vous devenir savant,
Posséder d’esprit une mine ?
Faites-vous donc de l’albumine
Et buvez du Grave souvent…
Professeurs, rompez donc vos chaînes,
Ou débitez vos cours aux bancs ;
Place au paysan, place aux chênes :
L’écolier doit manger des glands !
Prêtres, votre piété s’égare !
Engraissez-vous, faites extra,
Car si votre sang devient rare,
Votre foi se ralentira !
Ces docteurs, avec leur système,
Nient tout ce que ne peut toucher
Et scalper leur main de boucher,
Ou voir leur œil de Polyphème…
˗ « La matière toujours n’a pas
De l’à-propos, même en ses règles :
Pourquoi volent si haut les aigles,
Et l’Homme rampe-t-il si bas ?…
˗ Vous avez raison. Ces merveilles,
Messieurs, ont trop de côté noir ;
A tort l’âne a longues oreilles :
C’est vous qui devriez les avoir !!


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