De la guerre civile apaisant les colères,
Un renard gouvernait lapins, lièvres, chevreaux,
Daims, chamois, loups, tigres, panthères,
Sangliers, coursiers et taureaux.
Un renard ? Vous croyez sans doute
Qu’il fut sur le pavois porté par des amis,
Ou par un coup d’État. On sait ce qu’il en coûte.
Il était l’élu du pays !
Quel renard !… Il comptait parmi les plus honnêtes.
Ferme, agile, au travail prêt en toute saison,
Il plaçait sur ses yeux de magiques lunettes :
Les lunettes de la raison.
Depuis deux mois à peine il était aux affaires ;
De la patrie en deuil il calmait les douleurs,
Quand un rhinocéros cria : « De nos bannières
« Sans crainte et sans retard, choisissons les couleurs
« C’est là qu’est le salut. » − Grande dame, une Hermine
Opina pour le blanc « Voulez-vous l’aubépine ?
Dans le blanc choisissez tout ce qui vous plaira.
Aimez-vous mieux le lys ? On vous en donnera. »
− « Très-bien ! dit un lapin. » − « Hermine, ma mignonne,
J’ai déjà savouré ce que ton cœur nous donne ;
Assez de tes chansons… Vive le cramoisi ! »
Je ne sais qui parlait ainsi.
Une intéressante gazelle,
A sa flamme toujours fidèle,
Modérant un regard de feu,
Tendrement pria pour le bleu.
Vint le tour d’un cheval, connu par sa vaillance.
A l’assemblée il dit de sa puissante voix :
Le bleu nous vient du ciel ; le blanc, c’est l’innocence ;
Et le rouge en ma veine éclata maintes fois.
Prenez les trois couleurs ; quand le fer nous désole,
Il importe de les unir.
Le passé les connaît… Qu’elles soient le symbole
Et la gloire de l’avenir. »
Après ces beaux discours chacun pinça sa corde.
L’ours avait approuvé… Le tigre s’irrita.
Bref, messieurs, ce fut la discorde
Qui l’emporta.
Outragé… Le renard, calme, avec bienveillance,
Leur donna ce conseil, dicté par la prudence :
« Mes amis, que chacun renonce à son drapeau !
A votre honneur voudrais-je infliger une injure ?
Essayons, je vous en conjure,
Essayons sans regret du régime nouveau.
Mais déchirer vos flancs et creuser votre tombe…
Devant l’étranger, mes seigneurs !!
L’ordre, la liberté, le pays qui succombe,
Croyez-moi, n’ont pas de couleurs. »


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