Dans la profonde nuit et dans l’immense espace,
La fureur, comme un vent impétueux, le chasse
Sans trêve ni repos, et les remords vengeurs
En lui font retentir leurs sinistres clameurs.
L’épouvante le suit et l’horreur le précède ;
Le désespoir l’étreint et la terreur l’obsède.
Il se croit dans l’enfer, ce théâtre éternel
Des supplices que Dieu réserve au criminel.
La rumeur qui s’élève ou la lueur qui passe
Porte en son coeur le trouble et l’agite et le glace.
Tel, dans le moindre bruit, le cerf, longtemps encor,
Quand la chasse est rentrée, entend le son du cor.
A chaque heure qui fuit, passe dans ses ténèbres
Une procession de fantômes funèbres.
Ils vont enveloppés chacun dans son linceul,
Pâles, sombres, hagards, taciturnes ; un seul,
D’une main inflexible entr’ouvrant son suaire,
Montre son flanc qui saigne, et dit : Je suis ton père.
Dans sa course effrénée, il a devant les yeux
Un quadruple cadran, énorme, monstrueux.
Quatre horribles serpents aux gueules enflammées
Y marquent, en tournant, heures, jours, mois, années
Le parricide ainsi suit la marche du temps.
Sur le cadran fatal il a compté cent ans
Depuis que dans la nuit et l’épouvante il erre.
Pour la centième fois, voici l’anniversaire
Qui ramène toujours la même vision.
Autour de lui tout change ; il est dans sa prison.
Il se croit encore homme. Une cloche résonne.
Il écoute anxieux. C’est un glas que l’on sonne.
C’est le sien ! Un bruit sourd arrive à son cachot.
C’est un marteau qui frappe : on dresse l’échafaud.
Il frisonne. Bientôt la figure sinistre
Du bourreau, de la mort impassible ministre,
De la porte entr’ouverte apparaît sur le seuil.
Il porte en sa main gauche un long voile de deuil
Et la main droite tient des ciseaux. Il s’apprête
A faire au condamné sa suprême toilette.
L’oeuvre est finie. On sort. Le tintement du glas,
Lent, solennel, lugubre accompagne ses pas.
La foule accourt nombreuse, impatiente, avide
De voir comment mourra l’odieux parricide.
Oh ! Comme le bourreau marche rapidement !
On approche ; il est là le terrible instrument,
Rouge, sombre, implacable, attendant sa victime.
Le criminel se sent accablé par son crime.
Il pâlit. Vers la foule il tourne un mil hagard ;
Mais il n’est pas un coeur qu’émeuve son regard,

Le parricide est seul : quel homme sur la terre
Peut compatir au sort de qui tua son père ?
Il inspire l’horreur et chacun le maudit.
Il le voit ; il l’entend et de rage il frémit.
Il monte lentement les degrés de l’échelle.
L’acier du couperet à ses yeux étincelle.
Il voudrait respirer un instant. Le bourreau
Le pousse sur la planche et sous l’affreux couteau.
Aussitôt le ressort part et dans la coulisse
La mort impatiente avec la lame glisse.
Il sent comme un éclair le contact de l’acier
Et sa tête bondit dans le fond du panier.
L’Esprit au même instant lancé dans les ténèbres
Y retrouve, effaré, ses visions funèbres.
Doit-il rester encor longtemps dans ce milieu ?
Quand viendra le pardon ? C’est le secret de Dieu !

Photo de Suzy Hazelwood sur Pexels.com

En savoir plus sur Aurel Auteure

Abonnez-vous pour recevoir les derniers articles par e-mail.

Une réponse à « Après la mort, le parricide »

  1. Avatar de Julien Leconte

    intenses ces alexandrins…

    J’aime

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

En savoir plus sur Aurel Auteure

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture