La vie a deux essors ; la Pensée a deux guides :
L’un marche à pas comptés, par des chemins arides ;
L’autre s’élance, ardent comme un rayon de feu.
Celui-ci fait aimer, celui-là fait connaître.
Sentiment et Raison, ces deux pôles de l’Être
Dont la synthèse est dieu.
Tous deux ont même but : le vrai bien ! s’ils s’égarent,
C’est que, pour le chercher, souvent ils se séparent.
Alors chacun se perd : la logique et le cœur.
Le sentiment extrême arrive à la folie ;
La raison, loin de Dieu que son orgueil oublie,
Aboutit à l’erreur.
Des âges écoulés c’est la querelle vaine.
L’Homme a laissé flotter sa pensée incertaine
Entre ce double écueil, qu’il n’a point dépassé.
Tout chair, ou tout esprit… Le réel, ou le rêve…
Sans espérer qu’un jour la dispute s’achève,
Les siècles ont passé.
Étourdiment poussé de chimère en chimère,
Le sentiment suivait sa ligne imaginaire
Dans les champs inconnus de l’avenir humain.
La raison décrétait les bornes du possible,
Et, limitant la vie à la chose visible,
S’arrêtait en chemin.
Selon l’esprit des temps, la lutte se transforme :
L’argument épuisé revêt une autre forme,
Et, sous des mots nouveaux, reparaît triomphant.
L’homme, toujours plongé dans l’angoisse secrète,
Se demande éperdu : − Que me dit le poète,
Que me dit le savant ? −
Nous la verrons bientôt, la marche régulière ;
L’heure du grand accord, où Chaleur et Lumière
Confondront leur vertu dans un même rayon,
Et traceront ensemble, au cœur de la nature,
Sur la route passée et la route future,
Un lumineux sillon.


Laisser un commentaire