Triste, la patte en l’air, et la tête penchée,
Léchant quelques lambeaux de sa robe écorchée,
Se traînant… et saignant encor,
Un jour, à son chenil allait le vieux Médor.
Dans son œil que d’intelligence !
« Instinct, » me diras-tu, philosophe ergoteur.
Non ; et si par le corps il sentait la souffrance,
Il souffrait aussi par le cœur.
Oh ! laissez-lui son cœur, pour lui je le réclame,
Il est bon, fidèle, humble, doux ;
Il sait si bien aimer. N’aurait-il pas une âme !
Tout comme nous ?
Mais écoutons le chat : « Le barbare, le lâche !

« Il t’a dix fois, vingt fois, frappé de sa cravache,
« Lui ton maître… toi, son ami !
« Et pour toi, Médor, j’ai frémi.
« Oser te soupçonner, toi si noble de race,
« Si modeste au logis, si vaillant à la chasse.
« Ces oiseaux braillards et dorés…
« Est-ce toi ?… Moi, je sais qui les a dévorés.
« Voilà bien la justice !… Écoute : à la nuit close,
« A cette heure où chacun profondément repose,
« Il faut tout égorger : poules, faisans, pigeons.
« Tout enfin, canards et dindons.
« Si vient un malfaiteur, loin de donner l’alerte,
« Il faut adroitement tenir la porte ouverte.
« Il faut… De mon projet ne va pas t’effrayer,
« Sur la paille pousser la braise du foyer.
« Qu’il soit brûlé vivant ! Qu’en dis-tu, camarade ? »
Médor ne souffla mot pendant cette tirade.
Dans sa niche, après un effort,
A demi mort,
Il répondit enfin : « Le conseil est perfide.
« Je ne prendrai jamais la vengeance pour guide.
« As-tu jamais senti ce que pèse un forfait ?
« Laisse là tes fureurs, Raton, je t’en conjure.
« Il est beau de jeter un voile sur l’injure ;
« S’il faut se souvenir… c’est du bien qu’on nous fait.


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